Olaf l'original

(Catherine I)

Un salon-salle à manger au mobilier à la fois en harmonie et hétéroclite. Superbes rideaux. Il règne un certain laisser-aller : revues diverses en vrac dans un coin, coussins mal placés sur le divan, fauteuils mal placés (deux sont vis-à-vis pour étendre ses jambes sur l'autre)... Aux murs, très soigneusement accrochés, des photos de mode, des affiches de concerts exceptionnels (toutes musiques), des posters de films récents... Effet de surcharge.

Olaf (la cinquantaine sportive, tenue de footing, une petite queue de cheval et une mèche bleue sur le devant que, debout vers la cheminée, il examine dans une glace de poche) : Je sentais que l'orange me siérait mieux.

Corinne (la trentaine, avachie dans ses fauteuils vis-à-vis, en robe de chambre à grosses fleurs) : Chéri, je t'aime de toutes les couleurs.

Olaf : Tu t'en tires toujours comme ça au lieu de donner des conseils utiles.

Corinne (agressive) : Si j'en donne, tu les traites d'idiots.

Olaf : Ils sont idiots... c'est en cela qu'ils sont utiles... Tu es la vox populi... le porte-parole de la Nigaudie... Ah mon trésor, comme tu peux être comme tout le monde.

Corinne : Si tu continues sur ce ton, je vais enlever ma robe de chambre chez le voisin.

Olaf (il sort un peigne d'une poche intérieure et pour ainsi dire se caresse les cheveux avec) : Des menaces... A mon âge... tu pourrais me ménager au moins; j'ai cinquante-trois ans, moi !

Corinne : Coquet. Quarante-neuf.

Olaf : Non mais tu y étais ?

Corinne : Et puis je suis avec toi pour finir de t'user mon chéri, pas pour te ménager. (Câline :) Tu sais comme j'aime t'user ?

Olaf (rangeant son matériel dans sa poche intérieure et s'avançant vers elle) : La lubricité et l'étoile !... Dans ta vie terne, sans idées, sans idéal, reconnais-le, j'ai apporté la lumière... Te souviens-tu même de ce que tu étais avant moi ? de quoi je t'ai tirée ? Tu traînais de mâle en mâle, d'un triste à un affairé, d'un gagne-pas-mal à un gagne-gros, tu étais toute maigre et sans petites couleurs, ton compte en banque grossissait toujours, ton ventre jamais, tu étais malheureuse sans le savoir... Et je parus... Ta vie s'illumina, tu devins humaine. Le monde prit sens... Aujourd'hui, grâce à mon exemple, à l'éducation que je t'ai donnée, tu peux devenir toi aussi un individu, une personne réelle, de simple produit de consommation courante que tu étais, accéder à la véritable humanité.

Corinne (sarcastique) : Tout ça pour une mèche bleue... Chéri, Sylvia m'a encore raconté son week-end avec son mari... j'ai envie de le lui prendre...

Olaf (s'asseyant sur le bord du fauteuil sur lequel elle a les pieds) : Comme tu es matérialiste. N'es-tu donc qu'un corps ? Et ton âme ?

Corinne (tendrement) : C'est toi mon âme, Olaf. J'ai une âme à queue de cheval et à mèche bleue, je n'en voudrais pas d'autre. Non, côté âme, vraiment je n'ai pas à me plaindre.

Olaf (piqué) : Côté corps non plus, je pense ! Encore hier soir...

Corinne : Tu m'as attaché les mains pour que je n'abîme pas ton bronzage.

Olaf : Dame, au prix qu'il m'a coûté. J'ai un mal fou pour obtenir une belle couleur.

Corinne (boudeuse) : Normalement, c'est pas pour ça qu'on attache une femme.

Olaf (sévère, de dressant) : Corinne, tu sais que j'ai horreur des sous-entendus vicieux...

Corinne (pleine d'espoir) : Dépassons les sous-entendus...

Olaf (docte) : Le vice est banal. Il est la fausse originalité de ceux qui ne savent que débouler la pente. Nous, nous construisons un amour sain, imaginatif, nous vivons dans l'invention, la création.

Corinne : Olaf, rien que pour t'écouter parler, ça vaut la peine de vivre avec toi.

Olaf (brusquement distrait) : Oui... Je crois que je vais mettre le tee-shirt aux crânes rasés... (Il va vers la chambre en enlevant le haut; à part :) Ou alors celui avec l'image d'un derrière...

(Il sort.

La porte d'entrée s'ouvre et restera ouverte. Entre en bombe Marcel, la trentaine, bon vivant, criant d'une voix étouffée.)

Marcel : Cori, Cori, Cori... Oh ma mignonne, comme il t'a parlé méchamment.

Corinne (faussement étonnée) : Parce que tu écoutes à la porte !

Marcel (s'emparant de sa main) : Au prix des micros miniatures... Oh, j'ai aimé quand tu l'as menacé de venir enlever ta robe de chambre chez moi.

Corinne : Tu aimes tant que ça les robes de chambre ?

Marcel (câlin) : Dis, pendant qu'il se pomponne... tu l'enlèves...

Corinne : Dans une salle de séjour !

Marcel : Eh, après tout, tu es chez toi.

Corinne : Pas toi.

Marcel (fâché) : Corinne, assez d'enfantillages... Enlève ta robe de chambre et tout de suite !

Corinne : Bien, maître.

(Elle se lève, vaincue, prend un peu de distance par rapport à Marcel et d'un seul coup ouvre et fait tomber la robe de chambre. Elle apparaît tout habillée, en un élégant tailleur rouge à boutons blancs.)

Marcel (sidéré) : Oh.

Olaf (rouvrant la porte de sa chambre, il apparaît complètement nu) : Ah ! On l'a encore eu !

Corinne (très pudique, yeux baissés, voix douce) : Je suis contente de lui avoir procuré ce petit plaisir.

Olaf (avançant fièrement, il se dandine) : Pauvre Marcel, regarde avec quoi tu dois concourir. (Il se tourne complaisamment.) Toi, qu'est-ce que tu lui proposes, grassouillet ?

Marcel (se remettant) : Vingt ans de moins.

Olaf : Ça ne suffit pas.

Marcel : J'ai le temps... Je te la prendrai.

Olaf : Rêve, bonhomme.

Corinne (à Marcel vexé qui s'en va) : Ne perdez pas espoir, Olaf m'agace souvent, c'est peut-être pour demain.

Olaf (prenant Corinne dans ses bras et l'embrassant) : Sale garce, torturer ainsi ce pauvre escargot.

Corinne : D'habitude tu l'appelles limace.

Olaf : Il m'a fait pitié alors j'ai choisi un terme plus gentil.

Corinne : Oh qu'il est beau, mon Olaf. J'aime te tripoter.

Olaf : Attention au bronzage.

Corinne : Je veux griffer.

Olaf : Non, pas les griffes ! (Il s'échappe et court dans la chambre dont il referme la porte.)

Corinne (allant fermer la porte extérieure) : J'aurai son bronzage, c'est décidé.

(Surgissent les amis. Apparence colorée et soignée. Hommes à queue de cheval, femmes comme chauves avec des sortes de fibules perçant outre les oreilles les lèvres, le nez, les joues. Vêtements unisexes à bandes bleues, blanches et rouges avec des motifs sportifs, des noms d'universités américaines...)

Zappy : Salut Coco.. Je viens pour que tu me souhaites mon anniversaire. (Comme elle sourit et va tenir les propos d'usage, il l'attrape et l'embrasse à pleine bouche.) Ah ... Où est Olaf ?

Corinne : Heureusement pas dans cette pièce.

Première Walkyrie du percing : Pourquoi ? Il n'aurait pas aimé ?

Deuxième Walkyrie : Et toi Coco ? Tu as aimé ?

Zappy : C'est mon anniversaire, tout est permis.

Troisième Walkyrie : J'aime pas tes anniversaires.

Corinne : Il va venir et je vais lui raconter.

Rony (moins baraqué, plus jeune que Zappy) : On lui cassera la gueule.

Deuxième Walkyrie : On lui mettra des fibules.

Corinne : C'est l'anniversaire de Zappy, pas le sien.

Zappy : Mais je veux que tout le monde en profite.

Corinne : Pour moi j'en ai assez profité... Je n'ai pas de champagne, je vous préviens, rien à offrir.

Zappy (la lutinant) : Tu devrais venir avec nous. Tu serais superbe en quatrième de mes Walkyries.

Corinne (fuyant) : J'aime être la first lady.

(Rony survient par derrière et l'attrape.)

Rony : Cadeau pour Zappy !

Zappy (enlaçant Corinne) : Vivons passionnément l'instant présent.

Le choeur des Walkyries (chantant) : Ahi aho... ahi aho...

(Entre Olaf; il a un tee-shirt décoré d'énormes fesses réalistes.)

Olaf : Tiens. Corinne a commencé de ne pas s'amuser.

Troisième Walkyrie (courant embrasser Olaf) : Moi non plus je ne m'amuse pas, mais personne ne le remarque.

Olaf (gentil) : Toi, lâche tes macs et retourne travailler à ta boutique.

Zappy : Sans mâle elle s'ennuie;

Troisième Walkyrie (Léa) : C'est vrai, Olaf. (Caressante :) Ah, si tu venais avec moi...

Corinne (qui s'est dégagée) : Dis donc la Nitouche du percing, sur le canapé avec les deux autres, vite fait.

(Léa s'exécute.)

Les deux autres Walkyries, chantant : Ahi aho... ahi aho...

Zappy : C'est mon anniversaire, Olaf.

Olaf (indifférent) : Ah ?

(Soudain Zappy tente une prise de judo qui est maîtrisée aisément par Olaf. Tous deux, mains dans mains, emploient toutes leurs forces pour déstabiliser l'autre.)

Les trois Walkyries sur canapé : Ahi aho... ahi aho...

Rony : Je viens aussi Zappy, hein ? Je peux venir ?

Zappy (soufflant) : Il a encore de la force, le pépé.

Corinne (qui s'est assise sur son fauteuil, ironique) : Ahi aho...

Rony : Vas-y Zappy ! vas-y !

Zappy (hargneux) : Vas-y où ?

(Il est brusquement déstabilisé par Olaf.)

Première Walkyrie (mezzo, déçue) : Ah !

Deuxième Walkyrie (stridente, apeurée) : Ah.

Troisième Walkyrie (médium; contente) : Ah.

Corinne (ironique) : Ahi aho.

Zappy (renonçant brusquement et Olaf le lâche aussi) : D'accord, je garde les 600 F que je t'ai empruntés.

Olaf (pas content) : Tu ne rends jamais.

Zappy : Tu gagnes toujours.

Rony : C'est juste, Zappy a droit à une compensation.

Première Walkyrie : Et comment ! Olaf l'a brutalisé !

Deuxième Walkyrie : Le jour de son anniversaire !

Corinne (ironique) : Le pauvre !

Première Walkyrie : L'homme aux grosses fesses devant et derrière doit encore donner 600 F.

Zappy (digne) : Je ne demande rien, mais ici on ne m'a pas offert le champagne;

Deuxième Walkyrie : Juste des actes d'odieuse brutalité.

Rony : Si au moins il avait gagné.

Olaf : D'accord, j'offre l'argent du champagne. (Il va à un petit meuble et prend l'argent dans un tiroir.) Voilà 400 F. Bon anniversaire, Zappy.

(Zappy arrache presto l'argent de la main d'Olaf, lui fait un gros bisou et s'enfuit avec sa tribu.)

Première Walkyrie : Ahi aho...

Deuxième Walkyrie : On a gagné !

Rony : Chez qui on va maintenant ?

Troisième Walkyrie : A bientôt Olaf.

(Brusque silence.

Un temps.)

Corinne : Ça te plaît de te laisser rouler ?

Olaf : Ne sont-ils pas un vrai spectacle à domicile ? Etant donné le mal qu'ils se donnent, on peut se laisser taper de 400 F.

Corinne : Est-ce que le grand sage compte vraiment sortir avec ce tee-shirt ?

Olaf : Tu n'aimes plus mes fesses ? Ce sont vraiment les miennes, tu ne les reconnais pas ?

Corinne : Tu veux te faire donner de l'argent par qui ?

Olaf : Je voulais te faire une surprise, ninine. Photographie de mes propres fesses pendant que tu paressais à ton institut de beauté, design du tee-shirt spécialement étudié, exécution soignée... Je suis sûr que le produit se vendra bien.

Corinne : Tu as idée de toutes les grossièretés à dire sur...

Olaf : Voir mes fesses portées par tout le monde... tu imagines ?

Corinne : Jamais je ne porterais ça !

Olaf : Oui, mais toi, ma chérie, grâce à moi tu as les moyens des grands couturiers. Tu peux faire de l'effet autrement.

Corinne : Mais tout de même, Olaf, un homme avec ce...

Olaf : Ça prouve qu'il ne craint personne. Un vrai de vrai ! Alors il peut les montrer.

Corinne (résignée) : Bon.

Olaf : Ton attitude négative me décide. Allez, 100 000 à vendre au bord des plages !

(La Vieille passe la tête par la porte d'entrée.)

La Vieille : Dépravé !

(La Demi-Vieille passe la tête aussi : cheveux très noirs mais rides, teint blafard, binocles. Costume petite fille d'autrefois.)

La Demi-Vieille : Vieux, il est vieux !

Vieille : Et dépravé !

(Quart-de-Vieille passe à son tour la tête : de l'âge de Corinne mais vêtue en vieille, pas laide mais déprimante.)

Quart-de-Vieille : Il a abandonné sa femme pour se vautrer dans l'ordure !

(La porte finit de s'ouvrir. Quart-de-Vieille tient par la main un petit garçon - en fait en celluloïd.)

Vieille , Demi-Vieille , Quart-de-Vieille , bien ensemble au petit garçon : Regarde ton père !

(Elles entrent, par rang d'âge, la plus vieille d'abord.)

Vieille : Honte sur la famille !

Demi-Vieille : Honte ! Honte ! Honte !

Quart-de-Vieille : Il ne pense pas à l'enfant. Il ne pense pas à l'enfant !

(Elles viennent s'aligner face à Olaf. Lentement leurs bras montent et des doigts accusateurs se pointent sur lui.)

Vieille , Demi-Vieille , Quart-de-Vieille , bien ensemble : Le petit garçon n'ose plus aller à l'école, les autres se moquent de lui à cause de son père, il a honte, honte, honte !

Quart-de-Vieille saisit le petit garçon dans ses bras : Regarde ton père ! Comme il est ridicule !

Demi-Vieille : L'enfant est gravement perturbé.

Vieille : Ton père n'a pensé qu'à jouir. Il n'a pas le sens des responsabilités.

Quart-de-Vieille : C'est un égoïste.

Demi-Vieille : Un vieux qui se prend pour un jeune.

Vieille : Un lubrique.

Vieille , Demi-Vieille , Quart-de-Vieille , bien ensemble : Il ne t'aime pas !

Olaf : Et allez donc ça recommence. Qui vous a permis d'entrer, vieilles peaux ?

Quart-de-Vieille (prenant le petit garçon dans ses bras) : Il insulte ta mère, il insulte ta mère.

Demi-Vieille : Même pas un mot de bienvenue à son fils.

Olaf : Es-tu encore mon fils, Jacquot ? Est-ce qu'un garçon élevé par ces harpies peut être encore le fils d'Olaf ?

Quart-de-Vieille (élevant le petit garçon à bout de bras face à son père, hurlant) : C'est le fils d'Olaf !

Vieille et Demi-Vieille : Et il l'a renié.

Quart-de-Vieille (au petit garçon) : Regarde ton père !

Vieille , Demi-Vieille , Quart-de-Vieille , bien ensemble : Il t'a renié !

Olaf : Ah, cette juge était une autre folle quand elle vous a confié la garde de Jacquot. Vous en faites une poupée. Vous le rendrez stupide. Et probablement pédé.

Quart-de-Vieille (fondant en larmes) : Il prétend que je ne suis pas une bonne mère ! (Serrant le petit garçon dans ses bras :) J'ai tout fait pour toi, j'ai tout fait pour toi.

(Elle est à demi penchée, comme accablée. Les deux autres vieilles prennent la même position avec la main sur les yeux. Et toutes trois se mettent lentement à tourner autour d'Olaf - leur mise en mouvement s'effectue de telle sorte qu'elles sont équidistantes.)

Demi-Vieille : Elle a tout sacrifié pour son enfant.

Vieille : Elle a renoncé à vivre par amour pour lui.

(Toutes pleurent.)

Quart-de-Vieille : Je t'ai donné la vie, je t'aime.

Demi-Vieille : Elle lui a donné toute sa vie, toute sa vie.

Vieille : Elle s'est sacrifiée pour l'enfant.

Vieille , Demi-Vieille , Quart-de-Vieille , bien ensemble : L'enfant en sera reconnaissant à sa mère.

(Toutes accélérant le mouvement et pleurant plus fort :)

Quart-de-Vieille : Ton père a abandonné ta mère.

Demi-Vieille : Il a abandonné son fils.

Vieille : Il paie le moins possible sa pension alimentaire.

Quart-de-Vieille : J'ai tout fait pour toi, j'ai tout fait pour toi.

Demi-Vieille : Elle a tout fait pour toi.

Vieille : Elle s'est sacrifiée pour toi.

(Vieille et Demi-Vieille rejoignent brusquement Quart-de-Vieille, tournent le petit garçon vers Olaf et crient :)

Vieille , Demi-Vieille , Quart-de-Vieille , bien ensemble : Regarde ton père !

(Un temps.)

Olaf : Pauvre Jacquot, il lui faudra trois enterrements avant d'apprendre à rire. Et elles ont la vie dure... Bon, vous voulez de l'argent comme d'habitude et comme tout le monde ?

Quart-de-Vieille : On veut son dû. (Elle désigne le petit garçon.)

Olaf : Son dû c'est mon héritage s'il se montre bien mon fils, sinon rien du tout.

Quart-de-Vieille : Mais on en a besoin pour l'élever !

Olaf : Rendez-le-moi et il n'en manquera pas.

Quart-de-Vieille ( au petit garçon) : Regarde bien ton père, il a des sous mais il ne t'en donne pas.

Olaf : Si mon chéri, il t'en donne, mais il voudrait que tu ne sois pas un petit vieux de six ans. Il faut bien que j'essaie de te tirer de là.

Vieille , Demi-Vieille , Quart-de-Vieille , bien ensemble : C'est ta mère qui a tout fait pour toi, tout fait pour toi. Lui, il ne t'aime pas. Regarde comme il est ridicule !

Corinne (depuis un moment elle semble apeurée, comme perdue; criant) : Olaf !... Donne-leur l'argent.

Olaf : Me laisser escroquer par les harpies ? Je dois penser à mon fils !

Vieille , Demi-Vieille , Quart-de-Vieille (bien ensemble, tournant légèrement le petit garçon vers Corinne) : Regarde la pute de ton père, c'est avec elle qu'il dépense l'argent qui devrait te revenir.

Corinne : Ce n'est pas vrai.

Vieille : Il couche avec des femmes qui se font payer cher.

Demi-Vieille : Parce qu'il est vieux.

Quart-de-Vieille : C'est un vicieux au lit. C'est pour ça qu'il a fallu que ta mère le quitte.

Vieille , Demi-Vieille , Quart-de-Vieille , bien ensemble : Elle a pris la place de ta mère.

Quart-de-Vieille : Elle fait au lit des tas de trucs dégueulasses, c'est comme ça qu'elle vole ton argent.

Corinne (criant) : Ce n'est pas vrai !

(Les trois Vieilles éclatent d'un rire méchant en la montrant du doigt.

Brusquement Corinne s'enfuit - par la porte de la chambre.)

Olaf : Bravo. Vous attaquer à cette brave fille. Vous n'avez donc honte de rien ?

Léa, la troisième walkyrie, entrant : C'est un coup monté par Zappy, Olaf. Des journalistes les attendent à la sortie et si tu n'as pas payé devant témoins, tu seras en prison avant ce soir. Avec la publicité qui te sera faite, ils ont prévu que toutes tes affaires couleraient.

(Olaf pâlissant va vite vers la fenêtre.)

Olaf (il regarde) : C'est vrai, ils sont cachés dans la porte cochère à côté mais je les aperçois.

Léa : Paie vite Olaf !

Quart-de-Vieille (ricanant, tendant le petit garçon à Olaf) : Alors, Olaf, tu nous le paies ?

(Un temps.)

Olaf : Tu témoignerais, Léa ?

Léa : ...Je ferai ce que tu veux, Olaf.

Olaf : C'est toi qui me préoccupes, tu vas te couper de tes amis, ils diront que tu les trahis.

Léa : Ce n'étaient pas de vrais amis, juste des rencontres de désastre.

Olaf (lui posant les mains sur les épaules) : Je ne pourrai même pas t'aider, leur avocat dirait que je t'ai achetée.

Léa (lui posant aussi les mains sur les épaules) : J'ai tout de même été capable de garder ma boutique, Olaf. Je vais y retourner... Mais toi, tu risques de tout perdre.

Olaf : C'est le seul moyen de sauver mon fils. Je gagnerai.

Léa (doucement) : Bonne chance, Olaf.

Olaf (doucement) : Bonne chance, Léa.

(Elle se détache et se dirige vers la porte de sortie.)

Quart-de-Vieille : Tu perdras la guerre, Olaf;

Demi-Vieille : L'enfant est toujours malade, il est complexé, c'est un cas pour psychiatre !

Vieille : Il a vu la pute de son père, il sait où va son argent !

Olaf (brusquement en rage, il saisit une embrasse de rideau et se met à frapper les Vieilles) : Allez-vous-en, harpies, allez-vous-en !

Quart-de-Vieille (fuyant) : Il bat ta mère, il bat ta mère !

Demi-Vieille (au petit garçon; fuyant) : Regarde ton père ! C'est une brute !

Vieille (fuyant) : Il bat même une vieille femme comme moi !

Quart-de-Vieille , Demi-Vieille , Vieille (bien ensemble; dépassant Léa et sortant) : Honte à ton père !

(Un temps.)

Léa (doucement) : A bientôt, Olaf.

Olaf : Au revoir, Léa.

(Elle sort.

Un temps.

Rentre Corinne. En madone du piercing. Elle s'est à moitié rasé les cheveux, a mis une fausse fibule dans ses narines (à l'évidence elle s'est arrêtée là par manque de temps); en outre elle a revêtu un tee-shirt à fesses d'Olaf. Elle va sans rien dire s'allonger sur ses fauteuils.)

Olaf (d'abord médusé, puis amusé; tendre) : C'est bizarre de voir ses rondeurs sur celles de sa femme.

Corinne : Je crois que je vais te coûter beaucoup moins cher, Olaf... à moins que tu n'aimes que les femmes chères ?

Olaf (s'asseyant en la prenant dans ses bras) : Je t'aime toi, Corinne.

Corinne : Je voulais te dire... Tu as la plus merveilleuse mèche bleue et la plus gracieuse queue de cheval de toute la planète.

Olaf (riant) : Me voilà enfin avec des qualités.

Corinne : Je ne serai jamais comme elle, n'est-ce pas Olaf ?... Je voudrais des enfants de toi.

Olaf (sombre, la serrant fort contre lui) : Moi aussi... mais j'ai peur.

                                                                      FIN